Page:Rosenthal - Carpaccio, Laurens.djvu/35

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
VITTORE CARPACCIO.
31

Sénat pour décorer le palais ducal, provoquèrent une subite livraison. Jacobello del Fiore marqua seul le stade primitif. Il mourut en 1439 : les Vivarini allaient aborder l’art qu’ils portèrent presque sans transition à la maîtrise ; Jacopo Bellini était depuis longtemps peintre et les deux maîtres destinés à donner à l’art de Venise son premier épanouissement, Gentil et Jean Bellin, avaient déjà plus de dix ans.

Les deux frères eurent un génie profondément vénitien, mais leurs prédilections étaient dissemblables et ils entraînèrent l’art dans deux voies opposées.

Jean Bellin, sensuel et plastique, satisfit par des images choisies et simples son sentiment de la magnificence et de la beauté.

Une vierge, assise dans une niche de marbre ou devant, un baldaquin de soie verte, se dessinait, immobile d’altitude et d’expression. La douceur du regard, le sourire ébauché traduisaient une existence à la fois supérieure et ralentie, étrangère à l’effort connue à la douleur. La morbidesse du pinceau, l’atmosphère ambrée, la caresse des couleurs concouraient à faire naître un charme indolent.

Parfois la scène s’élargissait : sur les genoux de la madone, le Bambino, bel enfant joufflu, potelé, était entouré de saints et de saintes. Mais ces personnages symétriquement groupés s’isolaient chacun dans leurs méditations ou dans leurs lectures pieuses et, seule, une harmonie silencieuse et comme confinée formait le lien de ces Sacrées Conversations.