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VITTORE CARPACCIO.

fois Carpaccio, en 1494 et en 1505, put voir ses confrères fort émus par la visite d’Albert Dürer.

Cette sympathie développa chez les Venitiens des qualites en partie analogues à celles qu’exaltait l’influence de Mantegna. Ils comprirent la saveur du réalisme flamand par le souci qu’ils apportaient à orner leurs propres demeures ; ils appréciaient trop leurs hommes pour s’étonner qu’on fouillât dans un portrait une physionomie, leur imagination était trop positive pour être gênée par la précision dont les Germains entouraient leurs scènes religieuses. Ils aimèrent chez ces artistes le soin qu’ils apportaient à l’exécution de leurs œuvres qu’ils s’attardaient à polir comme des joyaux. L’étroitesse d’un métier trop exact se racheta pour eux par la profondeur des harmonies : ils furent sensibles aux belles matières, à la fraîcheur des tons, à la richesse des ors, aux blancs nacrés sertissant les outremers.

En s’inspirant de l’art du Nord, les Vénitiens n’eurent, à vrai dire, rien à éliminer. Ils n’en répudièrent pas la familiarité qui s’accommodait avec leurs préoccupations mercantiles : ils ne refusèrent pas aux gueux l’hospitalité dans leurs tableaux, mais par une magie involontaire les loques devinrent splendides, les détails dépouillèrent leur vulgarité et le métal fruste acquit, sous le climat vénitien, une patine rare et ambrée.

La sève d’art longtemps contenue et ignorée jaillit, puissante, dès le premier appel.

Gentile da Fabriano et Pisanello appelés en 1411 par le