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VITTORE CARPACGIO.

vement de la Renaissance italienne s’accomplissait à Venise par l’adaptation du génie mantegnesque.

Le maître de Padoue avait réalisé dans son œuvre un idéal de documentation archéologique qui devait échapper à des esprits moins scrupuleux et privés de sa forte culture classique. Il avait poursuivi aussi, dans cette œuvre débordante de science, le mérite anatomique du corps humain, la notation rigoureuse de la perspective, des draperies ; il avait étendu son information aux architectures et aux animaux. Aussi ses œuvres étaient-elles des scènes aux figurants nombreux, variés d’attitudes, avec des fonds de paysage compliqués, de multiples accessoires et des fabriques imposantes. Tout s’y ordonnait en une harmonie mesurée et forte, car Mantegna avait l’instinct de la réalité décorative. Les vierges s’entouraient de guirlandes émaillées de fruits empruntées aux bas-reliefs antiques. La noblesse majestueuse des draperies s’accordait aux marches de marbre, aux trônes incrustés d’arabesques Renaissance, et la vie fraîche et riante se mêlait à cet ensemble par la grâce juvénile d’un ange musicien.

Dans ses admirables fresques des Eremitani, l’imagination positive de Giotto se retrouvait inconsciemment et le goût de la vérité communiquait à cet art plastique une saveur qui le rendait immédiatement proche du réalisme. C’est cette part tangible que les Vénitiens s’approprièrent.

Esprits directs, ils goûtèrent de son œuvre ce qu’elle renfermait de vie : les corps robustes, les palais, les