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VITTORE CARPACCIO.
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III


Lorsque Carpaccio commença de peindre, l’art vénitien était à la fois vigoureux et récent. Longtemps les Vénitiens, préoccupés uniquement de lucre, s’étaient contentés de demander à leurs clients leurs images de piété. Pour la décoration des palais des doges ils avaient appelé des étrangers. C’est seulement à l’heure de la pleine prospérité que se développa un art national, comme une industrie de luxe ajoutée à tant d’autres.

Le premier souci des Vénitiens fut de satisfaire les yeux par des sensations riches et chaudes. Pendant longtemps ils ne demandèrent pas autre chose à leurs peintres, et les premières œuvres qui leur plurent cherchaient pour l’éclat et pour la splendeur à rivaliser avec les mosaïques.

L’art, qui prenait sa source à Byzance, devait aussi lui emprunter son caractère hiératique, dur, mystique et splendide. De ces tendances, les Vénitiens ne gardèrent que ce qui s’accordait à leur tempérament : le goût de la magnificence. Brutal sous cette forme primitive, il se fondit dans l’atmosphère molle et délicate de Venise. L’or s’éteignit, les couleurs heurtées se soumirent afin de composer une harmonie, le mysticisme hiératique fit place à une conception toute profane des scènes religieuses.

D’autres influences agissaient sur le génie de cette race sensuelle et amoureuse de sa propre vie. Le grand mou-