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VITTORE CARPACCIO.
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L’Étendard de 1516 est excellent, fluide, fondu, avec une grâce nouvelle, mais le Mont Ararat est une aberration manifeste, et dans d’autres pages, telle la Procession de Castello, il semble avoir perdu la pratique du pinceau et balbutier ainsi qu’un écolier.

C’est que dans l’art vénitien surgissait à ce moment des forces nouvelles et que ces forces le rejetaient : dès 1520 Carpaccio ne reçut plus de commandes à Venise. Giorgione, Titien, offraient à leur contemporains des fruits veloutés gonflés de sève d’une maturité ardente, et devant ces formes amples, ce sentiment intense où se magnifiait l’opulence de la cité, devant cet hymne entonné d’une voix plus puissante et plus chaude, la fraicheur, la grâce frêle de cet art juvénile s’effaçaient.

Lorsqu’il mourut, Carpaccio put croire que son art disparaissait avec lui. Et les générations oublieuses se succédèrent, et Canaletto, et Guardi, lorsqu’à leur tour ils promenèrent dans Venise leur curiosité insatiable et passionnées, ignorèrent le maître qui, vivant près d’eux, les eût dépassés. Seules, les âmes simples ne l’abandonnaient pas et, au témoignage de Zanetti, les gens du peuple qui venaient prier dans l’oratoire de Sainte-Ursule ne pouvaient détacher leurs yeux des ces images de bonne foi.

Pressentie par Théophile Gautier, par Charles Blanc[1], la résurrection s’est faite lente, mais ce sont les esprits les plus délicats qui y ont présidé, Gustave Moreau vint copier

  1. De Paris à Venise, 1857