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VITTORE CARPAGCIO.

sion des velours, des perles et des ors prodigués malgré les lois somptuaires : tout s’ordonnait à la gloire de la cité heureuse et étalait sa prospérité aux yeux des étrangers. Carpaccio fut spontanément le peintre de ce spectacle et de cette vie diverse. Sensibilité nerveuse avec un tempérament de coloriste et un goût de vérité incisive mêlé de délicatesse, il peignit ces fastes harmonieux d’un pinceau si libre et si hardi que Venise nous est rendue intacte dans sa vérité passée.

II

On ignore presque tout de la vie de Vittore Carpaccio.

Son origine vénitienne est maintenant définitivement établie, mais elle l’est depuis peu et Venise faillit être privée d’une gloire si profondément sienne. Au xixe siècle, le chanoine Stancovitch, jaloux d’en orner Capo d’Istria, sa patrie, réfuta les témoignages de Vasari et de Ridolfi et défendit avec chaleur l’hypothèse de l’origine istrienne de Carpaccio. L’erreur de Stancovitch s’explique par les commandes que reçut Carpaccio en Istrie et par l’établissement, vers 1520, à Capo d’Istria, d’un de ses fils, Benedetto, peintre lui-même et qui y fit souche.

Des documents sérieux ont rétabli la vérité primitive et l’on sait maintenant que Carpaccio est de vieille race vénitienne. Ses ancêtres, originaires de Mazzorbo, étaient établis à Venise dès 1360, et le peintre descend d’une branche latérale de pêcheurs de Saint-Raphaël.