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VITTORE CARPACCIO.

L’atmosphère ambrée vibrant sur les taches vives et ardentes des robes accuse la présence des moindres comparses : enfin, sur la terre couverte d’herbe rase on rencontre l’antilope et la gazelle. Avec une telle précision de détails Gentil Bellin peignait la Prédication de saint Marc à Alexandrie, mais ses œuvres, inspirées directement de la réalité, ne sont pas plus suggestives que celles de Carpaccio. Si nous leur accordons une valeur documentaire plus certaine, elles n’élargissent pas notre horizon au-delà de cet orient que Carpaccio, la palette chargée de soleil, a fait chanter sur ses toiles.

XII

Génie pittoresque, vagabondant volontiers dans le détail, tel nous est apparu jusqu’ici Carpaccio. Souvent, chargé de peindre un tableau d’autel, il avait racheté l’ennui que lui causait les grandes figures solennelles en s’amusant à creuser une vaste perspective où s’agitait tout un microcosme : ainsi il en avait usé pour les Palas de sainte Ursule et de saint Vital et dans la rencontre de sainte Anne et de saint Joachim. Pourtant il lui arriva une fois d’être sobre : dans la Pala de San Giobbe, il adopta franchement le parti pris familier à Jean Bellin, et c’est dans une niche d’architecture simulée qu’il a placé la présentation de l’enfant Jésus à saint Siméon.

L’épreuve était pour lui doublement insolite : il n’avait