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VITTORE CARPAGCIO.
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vigilance du Sénat prévoyait la portée d’un coup si funeste aucun effet n’en était encore sensible.

Jamais vie ne lui plus complexe et plus fortement charpentée sous l’apparence d’un décor fragile. Comme ces palais posés sur l’eau par un miracle d’énergie et de volonté, les fêtes vénitiennes soutenaient l’édilice social et jusqu’aux ambitions secrètes du gouvernement. C’était l’époque où la République en trêve avec le Turc s’alliait à lui contre le Royaume de Naples, s’aidait du pape et de Florence dont elle devait susciter plus tard l’inimitié, fétait l’abandon de Chypre, jouait Charles VIII et Commines puis s’alliait ensuite à Louis XII contre Maximilien.

Carpaccio vit à Venise se succéder les ambassades. La ville les comblait de dons, les fêtait par des processions, des bals, des joutes, des régates, jalouse de porter au loin le renom de sa magnificence. Les barques couvertes de tapis velus et de satin cramoisi ramenaient les cortèges vers le Doge. Sur un pont volant le cérémonial de réception s’accomplissait, puis les gondoles parées escortaient le Bucentaure vers les palais incrustés de serpentine et de porphyre.

D’autres fêtes naissaient des institutions civiles et religieuses. Entrées solennelles des procureurs, des patriarches ou des chanceliers au travers des rues marchandes tapissées de drap d’or et d’écarlate avec leurs étalages mêlés de gravures et d’objets d’art : processions de la Fête-Dieu où chaque métier déployait son étendard parmi les cierges et les fleurs : couronnements ducaux avec la profu-