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VITTORE CARPACCIO.

musiciens du roi Aya. L’Histoire de saint Étienne comme la Vie de la Vierge sont de pures œuvres d’orientalisme.

Cette prédilection, la vérité avec laquelle elle s’est exprimée, ont longtemps fait croire que Carpaccio avait visité l’Orient. Moins d’un siècle après lui, la légende était faite et l’on précisait : il avait accompagné à Constantinople Gentil Bellin. Des découvertes curieuses et récentes permettent presque d’affirmer que l’orientalisme de Carpaccio est tout d interprétation et d intuition.

Un érudit anglais. M. Sydney Colvin, en étudiant un dessin de Carpaccio, destiné au Départ des fiancés dans la Vie de sainte Ursule, reconnut que l’artiste y avait fait figurer la tour de Rhodes et se convainquit qu’il s’était inspiré d’une des gravures dont Reuwich avait accompagné la Peregrinatio in terram sanctam écrite par Breydenbach et imprimée à Mayence en 1486.

Cette première découverte incita M. Molmenti à poursuivre plus avant ces recherches et il n’eut pas de peine à se convaincre que Carpaccio avait littéralement emprunté à Reuwich des monuments, des costumes et même des personnages ou des groupes, non seulement dans la Vie de sainte Ursule, mais dans toutes les parties de son œuvre où il a introduit l’Orient.

Ces révélations n’affaiblissent pas notre admiration pour Carpaccio orientaliste : elles en changent le caractère. Nous voyions autrefois en lui un observateur avisé et scrupuleux : nous l’admirons aujourd’hui de nous avoir si parfaitement trompés.