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VITTORE CARPACCIO.
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pensée de la mort ne fut dite avec plus de redondance tragique par un maître germanique, et le charnier où s’est complue l’imagination de Carpaccio rappellerait les horreurs de Valdès Léal si le pinceau italien ne gardait, même en ces descriptions, une noblesse qui éloigne toute impression de dégoût. Au milieu des cadavres momifiés, des squelettes décomposés, des ossements et des crâne, gît, sur une dalle, le corps du Christ, et ce corps modelé avec amour, la noble face encadrée de long cheveux ont une dignité sereine qui paraît plus forte par ce contraste. Aux arrière-plans, Nicodème et Joseph d’Arimathie avec le Graal, préparent le tombeau : la Vierge s’est évanouie entre les bras d’une sainte femme, saint Jean s’abime dans la douleur, plus loin la Madeleine accourt avec des parfums, des bergers indifférents jouent de la flûte et, tout au fond, on distingue à peine le calvaire où s’érige la croix.


XI

En suivant Carpaccio nous avons, à mainte reprise, trouvé la marque plus ou moins discrète de l’attraction qu’exerçait sur lui l’Orient. Dans la Sainte-Croix c’étaient quelques silhouettes perdues au milieu de la foule, dans Sainte Ursule c’étaient des groupes de personnages à longue robe et à turban, puis, dans la Vie de saint Georges, tout un décor et tout un peuple : le temple de Salomon dominait la scène où triomphe le saint et nous avons déjà signalé les caftans et les accoutrements pittoresques des