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VITTORE CARPACCIO

Enfin le cycle de saint Jérôme complète cette décoration,. La vie de l’évêque de Salone a été minutieusement contée par les hagiographes et, s’il en eut été besoin, Carpaccio aurait trouvé, dans Jacques de Voragine, des thèmes surabondants, mais tant d’artistes l’avaient précédé dans son panégyrique qu’il lui eût été difficile de ne pas suivre leurs traces. Lazare Bastian, dans une prédelle que l’on voit à la Brera, lui donnait un modèle direct. Bastian s’était gardé d’omettre la pénitence du saint dans le désert, l’épisode le plus banal de cette iconographie. De son plein gré, ou sur l’invitation de la Scuola, Carpaccio a écarté cette image mais il a adopté, en les suivant de très près, les épisodes du lion pansé et des funérailles du saint.

Les deux scènes ont un aspect archaïque et triste, inaccoutumé chez Carpaccio, qui provient, peut-être, du caractère des personnages représentés. Cependant l’artiste n’a pas renoncé à sa véracité et à ses digressions coutumières. Le couvent où il place saint Jérôme n’est pas un lieu vague et idéal, c’est l’hospice de Sainte-Catherine, siège de la Scuola, et l’église Saint-Jean-du-Temple qui en était voisine, Carpaccio les décrit avec la fidélité la plus précieuse et nous conserve des formes d’architecture médiévale : arcatures, balustres de bois, portiques : il copie les nombreuses images décoratives placées aux murs extérieurs de l’église, images dont les monuments vénitiens ne gardent plus aucune trace. Dans cette enceinte pullule une ménagerie exotique : faisans, perruche rouge, antilope. Le lion même, trouble-fête, semble étudié’d’après nature. C’est ce