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VITTORE CARPAGCIO.

Marc au quadrige antique, aux mosaïques byzantines, aux colonnes d’onyx et de porphyre.

L’Asie et l’Europe confondaient leur luxe dans l’entrepôt géant qui fournissait au Nord les parfums, les bois précieux, les poudres d’or, les laines, et qui envoyait dans les pays du soleil des armes ou des bois grossièrement travaillés.

De lourdes galères revenaient aux quais bariolés de Dalmates, de Grecs, de Turcs, d’Allemands, juxtaposant leurs costumes et leurs types sous la clarté incisive ; d’autres escadres gonflaient leurs voiles pour l’Océan et fournissaient l’Europe des produits de l’industrie vénitienne : draps et draps d’or, cuirs, dentelles, glaces, et ces verreries comme des magies impalpables où les reflets d’un rêve, d’un ciel rose, d’une atmosphère ambrée glissent dans la matière transparente, l’animent, et ne s’y posent pas : tous ces fruits de la cité l’abandonnaient pour l’enrichir et la glorifier.

Son nom était porté aux confins de l’Inde, de la Perse, de l’Afrique : 3 000 constructeurs, 16 000 ouvriers tenaient en vigueur une flotte de 83 galères active à défendre les intérêts nationaux, instrument d’une politique hardie avec sagacité.

Moment unique d’épanouissement auquel devait succéder bientôt une décadence lente et irrémédiable. La découverte de l’Amérique, le périple de l’Afrique exécuté presque dans le même temps, allaient diriger loin de la Méditerranée les voies commerciales du monde. Mais, si la