Mon heur ne porte point d’envie
A l’Afrique ny à l’Asie,
Tant abondante je me voy
En chasteaux, en ports, et en villes :
Et mes terres sont si fertiles.
Que les Cieux sont jaloux de moy.
C’est moy qui ay donné naissance
A tant de monarques de France,
A Clovis, à Charles le Grand,
Et à ce Charles que j’honore,
Qui me commande et qui redore
Ce siècle, qui de luy dépend.
Sous luy je me voy bien traittée.
Sous luy ma gloire est augmentée,
Sous luy j’ay reveu la clarté,
Par la conduite de sa mere,
Qui m’a d’une longue misere
Remise en douce liberté.
C’est ceste Royne qui tressage,
Me sauvant au fort de l’orage,
Lors que plus j’attendois la mort,
Comme un Astre m’est apparuë,
Et, faisant dissiper la nuë,
A conduit ma Nef à bon port :
A qui l’on doit mille Colosses,
Mille termes taillez en bosses,
Mille temples, et la nommer
Des François la mere eternelle,
Et d’une pompe solennelle
Tous les ans sa feste chommer.
C’est moy qui n’a gueres lit naistre,
Ce grand Henry, qui fut mon maistre,
Monarque aux armes non pareil,
Et son fils Henry, qui l’egale
En force, en vertu martiale,
Des François le second soleil :
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