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XII

Deux Venus en Avril de mesme Deité
Nasquirent, l’une en Cypre, et l’autre en la Saintonge :
La Venus Cyprienne est des Grecs la mensonge,
La chaste Saintongeoise est une vérité.

L’Avril se resjouist de telle nouveauté,
Et moy qui jour ny nuict d’autre Dame ne songe.
Qui le fil amoureux de mon destin allonge
Ou l’accourcist, ainsi qu’il plaist à sa beauté,

Je me sens bien-heureux d’estre nay de son âge.
Si tost que je la vy, je fus mis en servage
De ses yeux, que —j’estime un sujet plus qu’humain.
 
Ma Raison sans combatre abandonna la place.
Et mon cœur se vit pris comme un poisson à l’hain.
Si j’ay failly, ma faute est bien digne de grâce.