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SONNETS

Oyt vostre voix, qui n’a point de pareille,
Du monde la merveille.

Voila comment vous m’avez enchanté,
Heureux de mon malheur :
De mon travail je me sens contenté,
Tant j’aime ma douleur :
Et veux tousjours que le soucy me tienne.
Et que de vous tousjours il me souvienne,
Vous donnant l’ame mienne.

Donc ne cherchez de parler au Devin,
Qui sçavez tout charmer :
Vous seule auriez un esprit tout divin,
Si vous pouviez aimer.
Que pleust à Dieu, ma moitié bien-aimee,
Qu’Amour vous eust d’une flèche enflammée
Autant que moy charmée.

En se jouant il m’a de part en part
Le cœur outrepercé :
A vous s’amie il n’a monstre le dard
Duquel il m’a blessé.
De telle mort heureux je me confesse,
Et ne veux point que la playe me laisse
Pour vous, belle Maistresse.