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SONNETS


II


Quand à longs traits je boy l’amoureuse estincelle
Qui sort de tes beaux yeux, les miens sont esblouis :
D’esprit ny de raison troublé je ne jouis,
Et comme yvre d’amour tout le corps me chancelle.

Le cœur me bat au sein, ma chaleur naturelle
Se refroidit de peur : mes Sens esvanouis
Se perdent tous en l’air, tant tu te resjouis
D’acquérir par ma mort le surnom de cruelle.

Tes regards foudroyans me percent de leurs rais
La peau le corps le cœur, comme poinctes de trais
Que je sens dedans l’ame : et quand je me veux plaindre,

Ou demander mercy du mal que je reçois.
Si bien ta cruauté me reserre la vois
Que je n’ose parler tant tes yeux me font craindre.