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LXV

Mon ame mille fois m’a prédit mon dommage :
Mais la sotte qu’elle est, après l’avoir prédit,
Maintenant s’en repent, maintenant s’en desdit,
Et voyant ma Maistresse elle aime d’avantage.

Si l’ame si l’esprit qui sont de Dieu l’ouvrage,
Deviennent amoureux, à grand tort on mesdit
Du corps qui suit les Sens, non brutal, comme on dit
S’il se trouve esblouy des raiz d’un beau visage.

Le corps ne languiroit d’un amoureux souci,
Si l’ame si l’esprit ne le vouloient ainsi.
Mais du premier assaut l’ame est toute esperdue,

Conseillant comme Royne au corps d’en faire autant.
Ainsi le Citoyen sans soldars combattant
Se rend aux ennemis, quand la ville est perdue.