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XXX

Ma Dame beut a moy, puis me bailla sa tasse,
Beuvez, dit-ell’, ce reste où mon cœur j’ay versé :
Et alors le vaisseau des lèvres je pressay,
Qui comme un Batelier son cœur dans le mien passe.
 
Mon sang renouvelle tant de forces amasse
Par la vertu du vin qu’elle m’avoit laissé,
Que trop chargé d’esprits et de cœurs, je pensay
Mourir dessous le faix, tant mon ame estoit lasse.

Ah Dieux, qui pourroit vivre avec telle beauté
Qui tient tousjours Amour en son vase arresté ?
Je ne devois en boire, et m’en donne le blâme.

Ce vase me lia tous les Sens dés le jour
Que je beu de son vin, mais plustost une flame.
Mais plustost un venin, qui m’en-yvra d’amour.