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XVIII

Je voyois me couchant, s’esteindre une chandelle,
Et je disois au lict bassement à-par-moy,
Pleust à Dieu que le soin, que la peine et l’esmoy,
Qu’Amour m’engrave au cœur, s’esteignissent comme elle.

Un mastin enragé, qui de sa dent cruelle
Mord un homme, il luy laisse une image de soy,
Qu’il voit tousjours en l’eau : Ainsi tousjours je voy
Soit veillant ou dormant, le portrait de ma belle.

Mon sang chaud en est cause. Or comme on voit souvent
L’Esté moins bouillonner que l’Automne suivant,
Mon Septembre est plus chaud que mon Juin de fortune.

Helas ! pour vivre trop, j’ay trop d’impression.
Tu es mort une fois, bien-heureux Ixion,
Et je meurs mille fois pour n’en mourir pas une.