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LIV

Bienheureux fut le jour où mon ame sujette
Rendit obéissance à ta douce rigueur,
Quand d’un traict de ton œil tu me perças le cœur.
Qui ne veut endurer qu’un autre luy en jette.

La Raison pour néant au chef fit sa retraite,
Et se mit au dongeon, comme au lieu le plus seur :
D’espérance assaillie et prise de douceur,
Trahit ma liberté, tant elle est indiscrette.

Mon destin le permet, qui pour mieux m’offenser
Baille mon cœur en garde à la foy du Penser
Qui trompe son seigneur, desloyal sentinelle,

Vendant de nuict mon camp et mon cœur aux Amours.
J’auray sans cesse en l’ame une guerre éternelle :
Mes pensers et mon cœur me trahissent tousjours.