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XLIII

J’avois, en regardant tes beaux yeux, enduré
Tant de flames au cœur, que plein de seicheresse
Ma langue estoit réduite en extrême destresse,
Ayant de trop parler tout le corps altéré.

Lors tu fis apporter en ton vase doré
De l’eau froide d’un puits : et la soif qui me presse
Me fist boire à l’endroit où tu bois, ma Maistresse,
Quand ton vaisseau se voit de ta lèvre honoré.

Mais le vase amoureux de ta bouche qu’il baise,
En réchauffant ses bords du feu qu’il a receu,
Le garde en sa rondeur comme en une fournaise.

Seulement au toucher je l’ay bien apperceu.
Comment pourroy-je vivre un quart d’heure à mon aise
Quand je sens contre moy l’eau se tourner en feu ?