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Mon dieu, mon dieu, que ma dame est cruelle !
Soit qu’un raport rengrege mes douleurs,
Soit qu’un depit parannise mes pleurs,
Soit qu’un refus mes plaïes renouvelle.

Ainsi le miel de sa douce beauté
Nourrit mon cœur : ainsi sa cruauté
D’aluine amere enamere ma vie.

Ainsi repeu d’un si divers repas,
Ores je vi, ores je ne vi pas,
Egal au sort des freres d’Œbalie.

MURET.

Mon dieu, mon dieu.) Il s'emerveille de deus choses en sa dame: c'est a savoir, de la beauté, & de la cruauté: disant que cette la le fait vivre, cette ci le fait mourir. Dous graves,) doucement graves. Mot composé a la maniere des Grecs. ou l'Orient,) la couleur aussi vermeille, qu’est celle de l’Aurore. On pourroit aussi entendre par l’orient, la bonne odeur, parce que les plus exquises senteurs font aportées du païs d’Orient. Parannise,) rende perpetuels. Paraniser est ce que les Latins disent, Perennare, Mot nouveau. D'alvine.) C’est une herbe fort amere. Quelques uns tienent, que c’est celle, que les Latins apellent, Absynthium. Enamere ma vie,) la rend amere. Enamerer, est ce que les Grecs disent, πικροῦν. Egal au sort des freres d'Œbalie.) Estant egal a Castor & a Pollux, qui vivent par renc. Ces deus furent fils a Lede: mais Pollux fut conceu de la semence de Juppiter: Castor, de celle de Tyndarée. Parainsi Pollux étoit immortel: Caftor, mortel. Avint que Castor fut tué par Meleagre, ou, comme les autres disent, par Polynice. Pollux fut de telle amour vers son frere, qu’il pria Juppiter lui permetre, de partir son immortalité aveques lui. Ce qui lui fut accordé : tellement