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Durant le jour son segret apetit,
Et dans mes flancs ses griffes il n’alonge:

Mais quand la nuit tient le jour enfermé,
Il sort en queste, & lion affamé,
De mile dens toute nuit il me ronge.

MURET.

Puisse avenir.) Il continuer encor a se complaindre de ce penser, souhétant de se pouvoir un jour venger de lui: & s'emerveillant, veu que toutes autres choses se changent avecques le tans, comment ce seul penser ne change point de lieu, ains se renforce de jour en jour. Dit d’avantage, que ce penser ne le tormente pas si fort, par jour, comme par nuit: parce que de jour, il survient d’autres occupations, ou compaignies, qui soulagent quelque peu sa peine. Mais la nuit, se voiant seul il se tormente tellement, qu'il lui semble que ce penser est un lion affamé, qui de mile dens lui ronge le cœur. Il n’i a point de doute, que les amants forclos de jouissance, lorsqu'ils sont retirés de nuit a leur privé, ne sentent sans comparaison plus grande fâcherie, que durant le jour.


Pour la douleur, qu'Amour veut que je sente,
Ainsi que moi, Phebus, tu lamentois,
Quant amoureus, loing du ciel tu chantois
Pres d'Ilion sus les rives de Xanthe.

Pinçant en vain ta lyre blandissante,
Et fleurs, & flots, mal sain, tu enchantois,
Non la beauté qu'en l'ame tu sentois
Dans le plus dous d'une plaie égrissante.

Là de ton teint, se pallissoient les fleurs,
Et l'eau croissant' du degout de tes pleurs,