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Qu’Amour mon cœur, qu’Amour mon ame sonde,
Luy qui conoit ma seule intention,
Il trouvera que toute passion
Veuve d’espoir, par mes veines abonde.

Mon Dieu que j’aime ! est il possible au monde
De voir un cœur si plein d’affection,
Pour le parfait d’une perfection,
Qui m’est dans l’ame en plaie si profonde ?

Le cheval noir qui ma Roine conduit
Par le sentier où ma Chair la seduit,
A tant erré d’une vaine traverse,

Que j’ai grand peur, (si le blanc ne contraint
Sa course vague, & ses pas ne refraint
Dessous le jou), que ma Roine ne verse.

MURET.
Qu'Amour mon cœur.) Il se dit estre si plein d’affection amoureuse, qu'il craint, que sa raïson en soit a la fin renversee. Veuve d'espoir.) Sans aucun espoir. Ainsi a dit Horace,– Viduus pharetra Risit Apollo.) Et en un autre lieu. Et foliis viduantur orni.) Le cheval noir. Par sa Roine il entend sa raison. Par le cheval noir, un apetit sensuel & desordonné, guidant l’ame aus voluptés charneles. Par le cheval blanc, un apetit honeste, & moderé, tendant toujours au souverain bien. Cette allegorie est extraitte du Dialogue de Platon, nommé Phaedre, ou, de la beauté.


Cent & cent fois penser un penser mesme,
A deus beaus yeus montrer à nu son coeur,
Se dessoiver d'une amere liqueur,
S'aviander d'une amertume estréme :