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& gentilesse gisoit l’espoir de sa delivrance. Eus emeus de pitié s’en vindrent avecques lui, l’asseurans de le secourir a leur pouvoir. L’heure du dîner venue, & Phinée s’etant mis a table parmi les autres, à grand peine avoit on couvert, quand voi-ci les Harpyes, qui a leur coutume vindrent envahir les viandes, remplissans au reste tout le lieu d’une puanteur insuportable. Incontinent les enfans de Borée prenans leur vol se prindrent a courir vers elles, & fendans l’aer, les poursuivirent si vertement, qu’ils les talonoient de bien prés, délibérés de les tailler en pièces, quand une vois fut entendue du ciel, leur défendant de passer plus outre, & les asseurant que les Harpyes ne retourneroient plus tormenter Phinée. Ainsi le racontent Apolloine, & Valere Flacque.


Je veus darder par l'univers ma peine,
Plus tôt qu'un trait ne vole au descocher:
Je veus de mïel mes oreilles boucher,
Pour n'ouir plus la vois de ma sereine.
Je veus muer mes deus yeus en fontaine,
Mon cœur en feu, mateste en un rocher,
Mes piés en tronc, pour jamais n'aprocher
De sa beauté si fierement humaine.
Je veus changer mes pensers en oiseaus,
Mes dous soupirs en zéphyres nouveaus,
Qui par le monde evanteront ma pleinte.
Et veus encor' de ma palle couleur,
Aus bors du Loir enfanter une fleur,
Qui de mon nom & de mon mal soit peinte.