J'espere & crain, je me tais & suplie,
Or' je suis glace, & ores un feu chaut,
J'admire tout, & de rien ne me chaut,
Je me delace, & puis je me relie.
Rien ne me plaist sinon ce qui m'ennuie :
Je suis vaillant, & le cœur me defaut,
J'ai l'espoir bas, j'ai le courage haut,
Je doute Amour, & si je le deffie.
Plus je me pique, & plus je suis retif,
J'aime estre libre, & veus estre captif,
Cent fois je meur, cent fois je pren naissance.
Un Promethée en passions je suis,
Et pour aimer perdant toute puissance,
Ne pouvant rien je fai ce que je puis.
M V R E T.
J'espere & crain) Il demontre les contraires effets qu'Amour produit en lui: lesquels nul ne peut au vrai entendre, qui ne les ait expérimentés en soimesme. Tel presque est un Sonet de Pétrarque, qui se commence.
Amor mi sprona in un tempo & affrena
Assecura, espaventa, arde, & agghiaccia.
Un Promethée.) C'est a dire, Mes passions renaissent perpetuellement, comme celles de Promethée: duquel les Poetes disent, que pour avoir dérobé le feu du ciel, il fust ataché a une montaigne de Scythie nommée Caucase, la ou un aigle lui rongeoit continuellement le foie: & affin que son torment fust perpétuel, il lui renaissoit de nuit autant de foie, comme L’aigle pinsetant lui en avoit devoré par jour. Ainsi le raconte Pherecyde.