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Tandis par cent trauaus poursui ton entrepriſe,
» Les Dieus ont la ſueür deuant la vertu miſe,
» Et faut beaucoup grīper aīs qu’atteindre au ſốmet
» Du roc, où la vertu de ſon temple promet
» Apres dix mille ennuis, vne gloire eternelle
» A ceus, qui comme toi ſeront amoureus d’elle,
Et qui dedaigneront d’un courage hautain
Ces maſtins enuiens, qui veulent mordre en vain.


A Lui meſme.

Lors que ta mere estoit prešte a geſir de toi,
si Iupiter des Dieus & des hommes le roi
Lui euṥt iuré ces mots : l’enfant dont tu es pleine,
Sera tant qu’il viura ſans douleur ou ſans peine,
Et touſiours lui viendront les biens ſans y ſonger,
Tu dirois a bon droit Iupiter menſonger.
Mais puis que tu es né, ainſi que tous nous ſommes,
A la condition des miſerables hommes,
Pour auoir en partage ennuis, ſoucis, trauaus,
Douleurs, triṥteſſes ſoins, tormans, peines, & maus,
il faut baiſſer le dôs, & porter la fortune
Qui vient ſans nul égard à tous hommes commune :
Ce que facilement, patient tu feras
Quand quelquefois le iour, en ton cœur penſeras
Que tu n’es q pur hõme, & qu’on ne voit au monde
Choſe qui plus que l’homme en miſeres abonde,
Qui plus soudain s’éleue, & qui plus ſoudain ſoit
Tombé quand il eſt haut : & certes a bon droit,
Car il n’a point de force, & ſi touſjours demande