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A fleur, a plante, ni a fruit,
N’a rien que la terre ait produit :
Tu vaus trop plus en médecine
Qu’herbe, qu’unguent, ni que racine :
Et ton profitable fiel,
Est au malade un don du ciel :
Tu vaus contre le mal d’Hercule,
Ton geſier les venins recule
De ceulx qu’empoiſonner on veut :
Ta langue charmereſſe peut
Faire conter a la pucelle
Les propos que veut ſçauoir d’elle
Le ieune amant qui la pourſuit,
La lui pendant au col de nuit.

Bref, que dirai-je plus ? ta vie
N’est comme la nostre aſſeruie
A la longueur du tans malin,
Car bien tost bien toſt tu prends fin :
Et nous trainons nos destinées
Quelquesfois quatre vins années,
Et cent années quelquesfois,
Et tu ne dures que ſix mois
Franche du tans, & de la peine
A laquelle la gent humaine
Est endétée, des le jour
Qu’elle entre en ce commun ſeiour.

Mais le don de ne viure guiere
Tu receus, par la ſinguliere
Bonté du ciel, qui ne fait pas
Tels dons, a fous ceus d’icy bas.