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Le Narſsis, pris d’Ouide :
a François Charbonnier, Angeuin.


Sus, dépan, Charbonnier, de son croc ta muſette,
Qui durant tout l’hyuer auoit esté muette,
Et loin du populace allon ouïr la vois
De dix mile oiselets qui ſe plaignent es bois.
Ia des monts contreual les tiedes neiges chéent,
Ia les ouuertes fleurs par les campagnes béent,
Ia l’épineus roſier deplie ses boutons
Au leuer du soleil, qui ſemblent aus tetons
Des filles de quinze ans, quand le ſein leur põmelle,
Et s’eſleue boßé d’une enfleure iumelle.

Ia la mer giſt couchée en ſon grand lit espars,
Ia zefire murmure, & ia de toutes pars
Le Nocher hait le port qui luy fut ſecourable,
Le pastoureau le feu, & le troupeau l’estable.
Ia sous la claire nuit les Graces & Venus,
Auecque les Syluans, & les Satyres nus
Gambadent sur les prés, tandis que le bon Feuure
De ſous l’antre Aethneam, coqu, haſte son œuure,
Et des deus pies boiteus, apriſt la flame d’eau
Pince la mace ardente & la bat du marteau.

Ia contre le ſoleil a pris ſa robbe neuue
L’arbrisseau de Bacus, & ia la foreſt veufue
Heriſſe ſa perruque, & Ceres du ciel voit
Ia se creſter le blé qui couronner la doit.
Ia pres du verd buisson sur les herbes nouuelles
Tournaſſent leur fuſeaus les gayes paſtourelles