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Ie puiſſe donc mourir ſi encores i’arreste
Vne heure en cette vile, où par le vueil des Dieus
Sur mon vint & un an, le feu de deus beaus yeus
(Souuenir trop amer) me fouldroia la teste.

Le Grec qui a ſenti la meurdriere tempeste
Des rochers Cafarés, n’aborde plus tels lieus,
Et s’il les voit de loin, il lui ſont odieus
Et pour les euiter tient ſa nauire preste.

A Dieu donc vile a Die, puisqu’en toi ie ne fais
Que toujours reſſemer le mal dont ie me pais
Et touiours refraichir mon ancienne plaie:

Ie ne ſuis plus ſi ſot, de ſouhetter la mort,
C’eſt trop ſoufert de peine, il eſt tans que j’eſſaie
Apres mile perils, de rencontrer le port.


Ah que malheureus eſt ceſtui là qui s’empestre
Dans les liens d’amour, ſa peine est plus cruelle
Que ſi tournoit la bas la rou’ continuelle,
Ou s’il bailloit ſon cœur aus aigles a repaistre.

Maugré lui dãs ſon âme a toute heure il ſent naiſtre
Vn ioieus deplaiſir qui douteus, l’épointelle,
Quoi l’épointelle! ainçois le genne & le martelle
Sa raiſon eſt veinque, & l’apetit eſt maistre.

Il reſſemble a l’oiſeau qui tant plus ſe remüe
Captif dans les gluaus, & tant plus ſe r’englüe
Se debatant en vain d’echaper l’oiſeleur:

Ainſi tant plus l’amant les rets d’amour ſecoüe,
Plus a lentour du col ſon destin les renoüe,
Pour iamais n’echaper d’un ſi plaiſant malheur.