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Ou dedans un bois egaré
Beer apres les Pierides?
Puis qu’ Apollon n’est aßés fort,
Ni ſa pauure foiblette troupe,
D’angarder que la fiere mort
La vie à ſes mignons ne coupe?
Toutesfois la bas, mon Ronſard
Vn bien pour confort te demeure,
C’est qu’il faut ſoit toft ou ſoit tard
Qu’un chacun, ainſi que toi meure.

Sonets.

Amour, quiconque ait dit que le ciel fut ton pere,
Et que Venus la douce en ſes flancs te porta,
Il mentit lachement, vne Ourſe en auorta
S’une Ourſe d’un tel fils se veut dire la mere

Des chams Maßyliens la plus cruelle fere
Entre ſes lionneaus, ſus un roc t’alaitta,
Et t’ouurant ſes tetins, par ſon lait te ietta
Tout a l’entour du cœur ſa rage la plus fiere.

Rien ne te plait, cruel, que ſanglos & que pleurs,
Que dechirer nos cœurs d’épineuſes douleurs,
Que tirer tout d’un coup mile mors de ta trouſſe.

Vn ſi mechant que toi, du ciel n’eſt point venu,
Si Venus t’euſt conceu, tu euſſes retenu
Quelque peu de douceur d’une mere si douce.