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Et là, le marinier d’auirons n’importune
Chargé de lingos d’or, l’eſchine de Neptune,
Mais dans les prez, touſiours boiuent du ciel
Le Nectar qui distille, & ſe paiſſent de miel,
La, bienheureux, Salel, (ayant a la nature
Payé ce que luy doit chacune creature)
Tu vis franc de la mort, & du cruel ſoucy,
Tu te moques la bas, qui nous tormente ici:
Et moi chetif, ie vy! & ie traine ma vie
Entre mille douleurs, que la bourrelle Enuie
Me suscite a grand tort, de pinçemens cuiſans
Me faiſant le ioüét d’un tas de meſdiſans
Qui dechirent mon nom, & ma gloire naiſſante
(Dieus deſtournés ce mal!) par leur lãgue mechãte,
Ah France, ingrate France, & fault il receuoir
Tant de deriſions, pour faire ſon deuoir?
Enuoye de la bas (mon Salel) ie te prie
Pour leur punition, quelque horrible Furie,
Qui d’un foüét retors de ſerpens furieux
Leur frape ſans repos & la bouche & les yeux,
Et d’un long repentir leur tourne dedans l’ame,
Ici mon innocence, & la le meſchant blaſme
Qu’ilz cõmettent vers moy, & frayeur leur dõnãt
La nuict, de mille horreurs les aille espoinçonnant.
Et toi Pere vangeur de la ſimple innocence,
Si i’ay d’un ceur deuot ſuiuy des mon enfance
Tes filles, les neuf sœurs, sſ je ſuis coustumier,
Touſiours mettre ton nom dans mes vers le premier,
Tonne la hault pour moy, & dardant la tempeste
Eſcarboille en cent lieus le cerueau de leur teste,