Page:Ronsard - Le Bocage, 1554.djvu/39

Cette page n’a pas encore été corrigée

Et de qui le ſçauoir auoit bien merité
D’eſtre d’vn ſi grand Roi ſi doucement traité.
Ainſi toi bienheureus, ſi Poete heureus ſe treuue,
Plus dispos, & plus gay, tu trauerſas le fleuue,
Qui n’est point repaſſable, & t’en allas ioyeux
Rencontrer ton Homere es chams delicieux.
Où, ſur des bãcs herbus ces vieux Peres s’aßiſent
Et sans ſoing, de l’amour parmi les fleurs deuiſent
Au giron de leur dame: un ſe couche a l’enuers
Sous un myrte esſaré, l’autre chante des vers,
L’un luitte ſur le sable, ou l’autre a l’eſcart ſaute
Et fait bõdir la bale, où l’herbe eſt la moins haute.
Là, Orphée habillé d’un long ſourpelis blanc
Contre quelque Laurier ſe repouſant le flanc
Tient ſa lyre cornüe, & d’vne doulce aubade
En rond parmi les prés fait dancer la brigade.
Là, les terres ſans art portent de leur bon gré
L’heureuse Panacée, & le roſier pourpré
Fleurit entre les lis, & ſur les riues franches
Naißẽt les beaux Oeilletz, & les Paqrettes blãches.
La, ſans iamais ceſſer, iargonnent les oiſeaux
Ore dans un bocage, & ore pres des eaus,
Et en toute ſaiſon auec Flore y ſouspire
D’un ſouspir eternel le gracieus Zephire.
Là, comme ici n’a lieu fortune n’y deſtin,
Et le ſoir comme ici ne court vers le matin,
Le matin vers le ſoir, & comme ici la rage
D’acquerir des honneurs, ne ronge leur courage.
Là le bœuf laboureur, d’un col morne & laßé
Ne reporte au logis le coutre renuerſé,