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Epitafe de François Rabelais.

Si d’vn mort qui pourri repoſe
Nature engendre quelque choſe
Et ſi la generation
Ce fait de la corruption:
Vne vigne prendra naiſſance
De l’estomac & de la pance
Du bon Rabelais, qui boiuoit
Touſiours cependant qu’il viuoit.

La foſſe de ſa grande gueule
Eust plus beu de vin toute ſeule
(L'epuißant du nez en deus cous)
Qu’un porc ne hume de lait dous,
Qu’Iris de fleuues, ne qu’encore
De vagues le riuage more.

Iamais le soleil ne la veu
Tant fût il matin,qu’il n’eust beu,
Et iamais au soir la nuit noire
Tant fut tard, ne la veu ſans boire.
Car alteré, ſans nul ſeiour
Le gallant boiuoit nuit & iour.

Mais quand l’ardante Canicule
Ramenoit la ſaiſon qui brule,
Demi-nus ſe troußoit les bras,
Et se couchoit tout plat a bas
Sur la ionchée, entre les taces:
Et parmi des eſcuelles graſſes