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A voir couler ſur Marne les bateaus,
A me cacher dans le ionc des îleaus:
Ore ie ſui quelque lieure à la trace,
Or’ la perdris ie couure à la tirace,
Or’ d’une ligne, apātant l’ameçon
Loin haut de leau i’enleue le poiſſon,
Or’ dans les trous d’une île tortueuſe
Ie va charchant l’écreuice cancreuſe,
Or’ ie me baigne, ou couché sur les bors
Sans y penſer a l’enuers ie m’endors:
Puis reueillé ma guitterre ie touche,
Et m’adoſſant contre vne vieille ſouche,
Ie di les vers que Tytire chantoit
Quand pres d’Auguste encores il n’estoit,
Et qu’il pleuroit au mantouan riuage
Deia barbu, ſon deſert heritage.
Ainſi iadis Alexandre le blond
Le beau Paris apuié ſur un tronc
Harpoit, alors qu’il vit parmi les nuës
Venir a lui les trois Déeſſes nües,
Deuant les trois Mercure le premier
Partiſſoit l’air de ſon pié talonnier
Aiant és mains la pomme d’or ſaiſie;
Le commun mal d’Europe, & de l’Aſie.
Mais d’autant plus que poete i’aime mieus
Le bon Bacus que tous les autres Dieus,
Sur tous plaiſirs la vandange m’agrée,
A voir tomber cette manne pourprée
Qu’a piés dechaus un gacheur fait couler
Dedans la cuue a force de fouler.