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Par cent papiers des longs ſiecles vainqueur,
Pour estre ecrit ſi auant en mon cœur.
Et tout ainſi que i’auoi dans ce monde
Fait eternel vostre nom par mon onde,
Voulant remplir tout le ciel de ſon los,
La plume aus flans, laiſle me creut au dos:
Et nouueau cygne aloi par l’uniuers,
chantant de vous les louanges en vers,
Pour lui monstrer combien estes ſacrée,
Vous seule idole a l’amour conſacrée.
En meſme instant me fut auis außi,
Que i’eſtoi fleur qu’on nomme du Souci,
Qui meurt, & pend sa teſte languiſſante,
Quand el’ n’est plus du Soleil iouiſſante:
Mais außi tost que l’Aurore vermeille,
Hors de la mer la lumiere reueille,
Elle renaiſt, ſa vie meſurant
Au ſeul regard d’un beau Soleil durant.
Ainſi & lame & le cœur on m’arrache,
Quand le Soleil de ma vie on me cache,
I’enten voſtre œil: puis ie ſuis renaiſſant,
Incontinent qu’il m’eſt apparoiſſant.
De ceste fleur ie deuin vmbre vuide,
Du premier cors qui me ſeruoit de guide,
Seule en errant le vostre ie ſuiuoi,
Et de vous voir, Madame, ie viuoi.
Mais quand la nuit venoit le jour troubler,
Lors ie ſentoi mon plaiſir redoubler,
Vous voiant seule en vostre chambre nüe,
Monſtrer la iambe & la cuiſſe charnue,