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DE P. DE RONSARD.

D’aimer en autre lieu ne nous pourra mener.
Si faut il bien aimer au monde quelque chose :
Cellui qui n’aime point, cellui-là se propose
Une vie d’un Scyte ; & ses jours veut passer
Sans gouster la douceur des douceurs la meilleure.
E, qu’est-il rien de doux sans Venus ? las ! à l’heure
Que je n’aimeray point puissai-je trépasser !


Marie, vous passez en taille, & en visage,
En grace, en ris, en yeus, en sein, & en teton,
Votre moienne seur, d’autant que le bouton
D’un rosier franc surpasse une rose sauvage.
Je ne dy pas pourtant qu’un rosier de bocage
Ne soit plaisant à l’œil, & qu’il ne sente bon :
Aussi je ne dy pas que vostre seur Thoinon
Ne soit belle, mais quoy ? vous l’estes davantage.
Je scay bien qu’apres vous elle â le premier pris
De ce bourg, en beauté, & qu’on seroit espris
D’elle facilement, si vous estiez absente :
Mais quand vous aprochez, lors sa beauté s’enfuit,
Ou morne elle devient par la vostre presente,
Comme les astres font quand la Lune reluit.


Marie, à tous les coups vous me venez reprendre
Que je suis trop leger, & me dites tousjours.
Quand je vous veus baiser que j’aille à ma Cassandre,
Et tousjours m’apellez inconstant en amours.