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CONTINUA. DES AMOURS


Je veus lire en trois jours l'Iliade d'Homere,
Et pour-ce; Corydon, ferme bien l'huis sur moi:
Si rien me vient troubler, je t'asseure ma foi,
Tu sentiras combien pesante est ma colere.
   Je ne veus seulement que nôtre chambriere
Vienne faire mon lit, ou m'apreste de quoi
Je menge, car je veus demeurer à requoi
Trois jours, pour faire apres un an de bonne chere.
   Mais si quelcun venoit de la part de Cassandre,
Ouvre lui tost la porte, et ne le fais attendre:
Soudain entre en ma chambre, et me vien acoustrer,
   Je veus tanseulement à lui seul me monstrer:
Au reste, si un Dieu vouloit pour moi descendre
Du ciel, ferme la porte, et ne le laisse entrer.

   J'ai l'ame pour un lit de regrets si touchée,
Que nul, et fusse un Roy, ne fera que j'aprouche
Jamais de la maison, encor moins de la couche
Où je vy ma maitresse, au mois de May couchée.
   Un somme languissant la tenoit mi-panchée.
Dessus le coude droit, fermant sa belle bouche,
Et ses yeus, dans lesquels l'archer Amour se couche,
Ayant tousjours la fleche en la corde encochée.
   Sa teste en ce beau mois, sans plus, estoit couverte
D'un riche escofion ouvré de soie verte,
Où les Graces venoient à l'envy se nicher,