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CONTINUA. DES AMOURS

Sans relasche mon coeur, tant elle est inhumaine.
   Ou si tu ne le fais, je te tromperay bien:
Je t'assure ma foy que tu perdras ta place
Bien-tost, car je mouray pour ruïner ton fort.
   Puis, quand je seray mort, plus ne sentiray rien
(Tu m'auras beau pincer) que ta rigueur me face,
Ma dame, ni amour: car rien ne sent un mort.

   Pourtant si ta maitresse est un petit putain,
Tu ne dois pour cela te courrousser contre elle
Voudrois-tu bien hayr ton ami plus fidelle
Pour estre un peu jureur, ou trop haut à la main?
   Il ne faut prendre ainsi tous pechés à dedain,
Quand la faute en pechant n'est pas continuelle:
Puis il faut endurer d'une maitresse belle
Qui confesse sa faute, et s'en repent soudain.
   Tu me diras qu'honneste et gentille est t'amie,
Et je te respondrai qu'honneste fut Cynthie,
L'amie de Properce en vers ingenieus,
   Et si ne laissa pas de faire amour diverse.
Endure donc, Ami, car tu ne vaus pas mieus
Que Catulle valut, que Tibulle et Properce.

   Amour, voiant du ciel un pescheur sur la mer,
Calla son aisle bas sur le bord du navire,
Puis il dit au pescheur: je te pri que je tire