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CONTINUA. DES AMOURS


Il ne sera jamais, soit que je vive en terre,
Soit qu'aus enfers je sois, ou là-haut dans les cieus,
Il ne sera jamais que je n'aime trop mieus
Que myrthe ou que laurier la feuille de lierre.
   Sus elle cette main qui tout le coeur me serre
Trassa premierement de ses doigts gracieus
Les lettres de l'amour que me portoient ses yeus,
Et son coeur qui me fait une si douce guerre.
   Jamais si belle fueille à la rive Cumée
Ne fut par la Sibylle en lettres imprimée
Pour bailler par écrit aus hommes leur destin,
   Comme ma Dame a paint d'une espingle poignante
Mon sort sus le lierre: é Dieu, qu'amour est fin!
Est-il rien qu'en aimant une Dame n'invente.

   J'aurai toujours au coeur attachés les rameaus
Du lierre, où ma Dame oza premier écrire
(Douce ruze d'amour) l'amour qu'el'n'osoit dire,
L'amour d'elle et de moy, la cause de noz maus:
   Sus toi jamais, sus toi orfrayes ny corbeaus
Ne se viennent brancher, jamais ne puisse nuire
Le fer à tes rameaus, et à toi soit l'empire
Pour jamais, dans les bois, de tous les arbrisseaus.
   Non pour autre raison (ce croi-je) que la mienne,
Bacchus orna de toi sa perruque Indienne,
Que pour recompenser le bien que tu lui fis,