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DE P. DE RONSARD.

Il élongna ses mains, et feit son arc estendre
En croissant, qui se courbe aus premiers jours du mois,
Puis me lascha le trait, contre qui le harnois
D'Achille, ni d'Hector ne se pourroit defendre.
   Apres qu'il m'eut blessé, en riant s'en volla,
Et par l'air mon esprit avec lui s'en alla:
Mais toutefois au coeur me demoura la playe,
   Laquelle pour neant cent fois le jour j'essaye
De la vouloir garir, mais tel est son efort
Que je voy bien qu'il faut que maugré moi je l'aye,
Et que pour la garir le remede est la mort.

   Dame, je meurs pour vous, je meurs pour vous, ma dame,
Dame, je meurs pour vous, et si ne vous en chaut:
Je sens pour vous au coeur un brasier si treschaut,
Que pour ne le sentir je veus bien rendre l'ame.
   Ce vous sera pour-tant un scandaleus diffame,
Si vous me meurdrissés sans vous faire un defaut:
E, que voulés vous dire? Esse ainsi comme il faut
Par pitié refroidir de vôtre amant la flamme?
   Non, vous ne me povés reprocher que je sois
Un effronté menteur, car mon teint, et ma voix,
Et mon chef ja grison vous servent d'asseurance,
   Et mes yeus trop cavés, et mon coeur plein d'esmoi:
E, que feroi-je plus, puis que nulle creance
Il ne vous plait donner aus tesmoins de ma foy?