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CONTINUA. DES AMOURS

   Pour ton profit, Belleau, je ne vueil que tu voye'
Celle qui par les yeus la plaie au coeur m'envoye,
De peur que tu ne prenne' un mal au mien pareil.
   Il suffist que sans toi je sois seul miserable:
Reste sain, je te pri, pour estre secourable
A ma douleur extréme, et m'y donner conseil.

   Si j'avois un hayneus qui me voulust la mort
Pour me venger de luy je ne voudrois lui faire
Que regarder les yeus de ma douce contraire,
Qui si fiers contre moi me font si dur effort.
   Ceste punition, tant son regard est fort,
Luy seroit peine extréme, et se voudroit deffaire:
Ne lit, ne pain, ne vin ne luy sauroient complaire,
Et sans plus au trespas seroit son reconfort.
   Tout cela que lon dit d'une Meduse antique
Au prix d'elle n'est rien que fable poëtique:
Meduse seulement tournoit l'homme en rocher,
   Mais cette-cy en-roche, englace, en-eaue, en-foue
Ceus qui ozent sans peur de ses yeus approcher:
Et si en les tuant vous diriez qu'el' se joue.

   Amour se vint cacher dans les yeus de Cassandre,
Comme un tan, qui les boeufs fait mouscher par les bois,
Puis il choisit un trait sur tous ceus du carquois,
Qui piquant sçait le mieus dedans les coeurs descendre.