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DE P. DE RONSARD.

"Il les feit, Pardaillan, pour nostre malheur, comme
Les tygres, les lyons, les serpens, et les lous.

   J'avois cent fois juré de jamais ne revoir
(O serment d'amoureus) l'angelique visage
Qui depuis quinze mois en penible servage
Emprisonne mon coeur, et ne le puis ravoir.
   J'en avois fait serment: mais je n'ai le pouvoir
M'engarder d'y aller, car mon forcé courage,
Bien que soit maugré moi surmonté de l'usage
D'amour, tousjours m'y mene, abusé d'un espoir.
   Le destin, Pardaillan, est une forte chose!
L'homme dedans son coeur ses affaires dispose
Et le ciel fait tourner ses dessains au rebours.
   Je sçai bien que je fais ce que je ne doy faire,
Je sçay bien que je sui de trop folles amours:
Mais quoy, puis que le ciel delibere au contraire.

   Ne me sui point, Belleau, allant à la maison
De celle qui me tient en douleur nompareille:
E ne sçais-tu pas bien ce que dit la corneille
A Mopse, qui suivoit la trace de Jason?
   Profete, dit l'oiseau, tu n'as point de raison
De suivre cet amant qui de voir s'apareille
Sa Dame: en autre part va, suy le et le conseille,
Mais ore de le suivre il n'est pas la saison.