Page:Ronsard - Continuation des Amours, 1555.pdf/30

Cette page n’a pas encore été corrigée
30
CONTINUA. DES AMOURS

Que vôtre coeur est mien, et que vous n'avés rien
Qui ne soit fort joieus, vous laissant, de me suivre:
   Ou bien si vous voyés que je ne sois pas digne
D'avoir chés moi le vôtre, aumoins rendés le mien,
Car sans avoir un coeur je ne saurois plus vivre.

   Tu as beau, Jupiter, l'air de flammes dissouldre,
Et faire galloper tes haux-tonnans chevaus,
Ronflans deçà delà dans le creux des nuaus,
Et en cent mille esclats tout d'un coup les descoudre,
   Ce n'est pas moi qui crains tes esclairs, ni ta foudre
Comme les coeurs poureus des autres animaus:
Il y a trop lon tems que les foudres jumeaus
Des yeus de ma maitresse ont mis le mien en poudre.
   Je n'ai plus ni tendons, ni arteres, ni nerfs,
Venes, muscles, ni poux: les feux que j'ai soufferts
Au coeur pour trop aimer me les ont mis en cendre.
   Et je ne suis plus rien (ô estrange meschef)
Qu'un Terme qui ne peut voir, n'oüyr, ni entendre,
Tant la foudre d'amour est cheute sus mon chef.

   Donques pour trop aimer il fault que je trépasse,
La mort, de mon amour sera donq le loyer:
L'homme est bien malheureus qui se veut emploier
Par travail meriter d'une ingrate la grace:
   Mais je te pri, di moi, que veus tu que je face?