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CONTINUA. DES AMOURS

Vous vous trompés beaucoup, il faut premier mon coeur
Garir du mal qu'il sent, et si n'en avés cure.
   Il faut donque premier me garir la pointure
Que voz yeus dans mon coeur me font par leur rigueur,
Et tout soudain apres vous reprendrés vigueur,
Quand vous l'aurés gary du tourment qu'il endure.
   Le mal que vous avés ne vient d'autre raison,
Sinon de moi, qui fis aus Dieus une oraison
Pour me venger de vous, de vous faire malade.
   E, vraiment c'est bien dit; é, vous voulez garir,
Et si ne voulez pas vôtre amant secourir,
Que vous gaririez bien seulement d'une oeillade.

   J'ay cent fois desiré et cent encores d’estre
Un invisible esprit, afin de me cacher
Au fond de vôtre coeur, pour l'humeur rechercher
Qui vous fait contre moi si cruelle aparoistre.
   Si, j'estois dedans vous, aumoins je serois maistre,
Maugré vous, de l'humeur qui ne fait qu’empescher
Amour, et si n'auriez nerf, ne poux sous la chair
Que je ne recherchasse afin de vous cognoistre.
   Je sçaurois une à une et voz complexions,
Toutes voz voluntés, et voz conditions,
Et chasserois si bien la froideur de vos venes,
   Que les flammes d'Amour vous y allumeriez:
Puis quand je les voirrois de son feu toutes plenes,