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CONTINUA. DES AMOURS

Quand je voirray ce bocage ennuieus,
Et ce jardin de mon aise envieus,
Où j'avisay cette beauté supréme.
   J'aurai toujours en haine plus que mort
Le mois de Mai, le lyerre, et le sort
Qu'elle écrivit sus une verte feille:
   J'auray tousjours cette lettre en horreur,
Dont pour adieu sa main tendre et vermeille
Me feit present pour me l'empreindre au coeur.


   E, Dieu du ciel, je n'eusse pas pensé
Qu'un seul depart eust causé tant de pene!
Je n'ai sur moi nerf, ni tendon, ni vene,
Faie, ni coeur qui n'en soit offensé,
   Helas! je suis à-demi trespassé,
Ains du tout mort, las! ma douce inhumaine
Avecques elle, en s'en allant, enmaine
Mon coeur captif de ses beaus yeus blessé.
   Que pleust à Dieu ne l'avoir jamais veue!
Son oeil gentil ne m'eust la flamme esmeue,
Par qui me faut un tourment recevoir,
   Tel, que ma main m'occiroit à cette heure,
Sans un penser que j'ai de la revoir,
Et ce penser garde que je ne meure.


   Ha, petit chien, que tu serois heureus