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DE P. DE RONSARD.

Ne me feroit amoureus devenir.
   Il me faudroit refaire d'autres venes,
Les miennes sont de vostre amour si plenes,
Qu'un autre amour n'y sauroit plus tenir.



Pour aimer trop une fiere beauté,
Je suis en peine, et si ne saurois dire
D'où ni comment, me survint ce martyre,
Ni à quel jeu je perdi liberté.
   Si sçai-je bien que je suis arresté
Au lacs d'amour: et si ne m'en retire,
Ni ne voudrois, car plus mon mal empire
Et plus je veus y estre mal traicté.
   Je ne di pas, s'elle vouloit un jour
Entre ses bras me garir de l'amour,
Que son present bien à gré je ne prinse.
   E, Dieu du ciel, é qui ne le prendroit,
Quand seulement de son baiser un Prince,
Voire un grand Roy, bien heureus se tiendroit.



E, que je porte et de hayne et d'envie
Au medecin qui vient soir et matin
Sans nul propos tatonner le tetin,
Le sein, le ventre et les flans de m'amie.
   Las! il n'est pas si songneus de sa vie
Comme elle pense: il est mechant et fin,