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XL.


Puisque je n’ai pour faire ma retraite
Du labyrinth[1] qui me va séduisant,
Comme Thésée, un fillet conduisant
Mes pas douteux par les erreurs[2] de Crète :

Eussé-je au moins une poitrine faite
Ou de cristal ou de verre luisant ;
Ton œil irait dedans mon cœur lisant
De quelle foi mon amour est parfaite.

Si tu savais de quelle affection
Je suis captif de ta perfection,
La mort serait un confort à ma plainte ;

Et lors peut-être épuisé de pitié,
Tu pousserais sur ma dépouille éteinte
Quelque soupir de tardive amitié.


  1. Du labyrinth : élision. Le poëte compare au labyrinthe de Crète l’amour dans lequel il est emprisonné
  2. Erreurs : du latin errores, détours, routes.


XLI


Ah ! Belacueil[1], que ta douce parole
Vint traîtrement ma jeunesse offenser,
Quand au verger tu la menas danser
Sur mes vingt ans l’amoureuse carolle[2] !

Amour adonc me mit à son école,
Ayant pour maître un peu sage penser,

  1. Belacueil : personnage du Roman de la Rose, celui qui conduit l’amant dans le verger d’Amour.

  2. Carolle : de l’italien carolas, danse en rond.