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XXXIII.


Un voile obscur par l’horizon épars
Troublait le ciel d’une humeur survenue,
Et l’air crevé d’une grêle menue
Frappait à bonds les champs de toutes parts :

Déjà Vulcain de ses borgnes soudars[1]
Hâtait les mains à la forge connue,
Et Jupiter dans le creux d’une nue
Armait sa main de l’éclair de ses dards :

Quand ma nymphette, en simple vertugade
Cueillant les fleurs, des rais de son œillade[2]
Essuya l’air grêleux et pluvieux :

Des vents sortis remprisonna les tropes,
Et fit cesser les marteaux des Cyclopes,
Et de Jupin rasséréna les yeux[* 1].


  1. De ses borgnes soudars : de ses
    borgnes soldats. Les Cyclopes, compagnons de Vulcain, sont représentés avec un seul œil au milieu du front.
  2. Des rais de son œillade : des rayons de son regard.



  1. On sent ici la gracieuse inspiration de Pétrarque Sonetti in Fila di Laura 36 et 27.



XXXIV.


Si tu ne veux contre Dieu t’irriter,
Écoute-moi, ne mets point en arrière
L’humble soupir enfant de la prière :
La prière est fille de Jupiter.

Quiconque veut la prière éviter,
Jamais n’achève une jeunesse entière,
Et voit toujours de son audace fière