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Ce chant qui tient mes soucis enchantés,
Et ces deux cieux[1] sur deux astres entés,
De ma déesse annoncent la merveille.

Du beau jardin de son jeune printemps
Sort un parfum, qui le ciel en tout temps
Peut embaumer de ses douces haleines :
 
Sa bouche engendre une si douce voix,
Que son chant fait bondir rochers et bois,
Planer[2] les monts et montagner[3] les plaines.


  1. Et ces deux cieux : les sourcils voûtés comme les cieux. (Muret)
  2. Planer : changer en plaines.
  3. Montagner : convertir en montagnes.

XXXI.


J'avais l'esprit tout morne et tout pesant,
Quand je reçus du lieu[1] qui me tourmente,
L'orange[2] d'or comme moi jaunissante
Du même mal qui nous est si plaisant.

Les pommes sont de l'amour le présent :
Tu le sais bien, ô guerrière Atalante[3]
Et Cydippé qui encor se lamente
De l'écrit d'or[4] qui lui fut si cuisant.

  1. Du lieu : Blois, séjour de Cassandre
  2. L'orange : entre toutes les pommes, l'orange est dédiée à la volupté et à l'amour.
  3. Atalante : fille de Schoenée, roi de Seyros, promise par son père à celui qui lé dépasserait à la course. Elle se laissa retarder par les pommes d'or qu'Hippomène jetait devant elle, et fut vaincue. Ovide, Métam., X, 561.
  4. Le jeune Acontius épris d'amour pour Cydippe imagina de lui jeter une pomme d'or sur laquelle il avait tracé deux vers, dont le sens était que Cydippe s'engageait à lui. Cydippe lut cet écrit dans le temple de Diane, où toutes les paroles prononcées acquéraient la valeur d'une promesse solennelle. Son père, ignorant l'aventure, maria sa fille à un autre époux, et par cet hymen causa le désespoir de Cydippe. V. Ovide, Héroïdes : Cydippe, Acontis.